mercredi 3 décembre 2014

lectures de novembre

Prix Nobel 2014, je me devais de faire une incursion dans le monde littéraire de cet écrivain majeur que je ne connaissais que de nom et pour sa discrétion maladive et légendaire. J'ai choisi de lire Un pedigree, puisqu'il s'agit de l'enfance de l'auteur qui est racontée là. C'était une façon de mieux le connaître peut-être. Un pedigree se lit très vite, c'est une liste de noms et de lieux qui le rattachent à la vie nomade de ses parents. Il semble s'affranchir du comportement pas net de son père pendant la guerre, comme s'il se débarrassait d'un fardeau bien trop encombrant. Les lieux, les dates, les personnages défilent à toute allure, on les oublie aussi vite. Je n'ai sans doute pas touché du doigt la grâce de son écriture, ce livre est à part dans son oeuvre. Mais sa mélancolie m'effraie un peu pour que je me décide à en savoir davantage.

Après la guerre est un roman violent. Il se situe à Bordeaux, terrain de prédilection de l'auteur, bordelais, et pendant les années sombres qui succèdent à celles non moins terribles de la deuxième guerre mondiale. Il met en scène un flic pourri qui fit les pires exactions pendant l'occupation et un juif qui revient des camps pour se venger de lui. Il y a aussi le fils de ce juif qui a grandi sans ses parents déportés et qu'il croit morts tous les deux. Lui, il est attiré par la guerre d'Algérie et devancera l'appel pour aller se battre. Comme si les deux hommes ne devaient jamais se retrouver, comme s'ils étaient à jamais passés à côté de leur vie ensemble. Beaucoup de sang et de douleur, des hommes qui gênent et deviennent des corps encombrants, un passé qui remonte des tréfonds de l'horreur, une ville noire et humide qui semble si différente du Bordeaux que je connais aujourd'hui. Le meilleur roman de Monsieur Lecorre.


J'ai la fâcheuse manie de collectionner les livres d'occasion pour mes enfants. Enfin je l'ai fait longtemps, leur proposant encore et toujours une bibliothèque bien garnie de titres pour la jeunesse. J'avoue quand même que j'ai acheté certains de ces titres pour moi, sachant pertinemment que les enfants ne seraient pas intéressés... Aujourd'hui je vide les bibliothèques en prévision de mon déménagement, je participe à des vide-greniers, j'allège la barque. Mais j'essaie de lire ces ouvrages avant qu'ils partent entre d'autres mains.
Voyage à Pitchipoï est le récit terrible d'un frère et d'une soeur juifs qui, si petits, vont connaître l'horreur du camp de Drancy, séparés de leur mère qui s'est enfuie et de leur père déporté qu'ils  ne reverront jamais. Ils seront livrés à eux mêmes et passeront plusieurs mois dans le dénuement le plus total, parqués et mal nourris comme des milliers d'autres. Il échapperont au camp de Pitchipoï où une mort certaine les attendait et ils retrouveront leur mère. Un témoignage fort sur l'enfance maltraitée pendant la période terrible de l'épuration.
Lettres d'amour de 0 à 10 est une belle histoire. Celle d'un petit garçon d'une dizaine d'années qui vit à Paris dans l'appartement tombeau de sa grand-mère. Elle est vieille, malheureuse et vit dans le souvenir de son époux qui est mort trop vite à la guerre et de son fils qui a disparu après la naissance du petit garçon, fou de douleur parce que la maman est morte en couche. Ernest s'ennuie, ne connaît rien à la vie à part le trajet entre l'école et l'appartement. Il est habillé comme un petit page, n'a jamais regardé la télé, n'est jamais monté dans une voiture, n'a jamais gouté au chocolat ni aux bonbons. Un jour une nouvelle arrive dans sa classe et sa vie est bouleversée. Victoire dépoussière et agrandit considérablement l'univers du garçon, insuffle la vie dans l'appartement musée. Les murs s'effondrent, les non-dits sautent, Ernest prend son destin en main et sa mamie avec lui. Une belle histoire d'amour filial et d'amour à la vie à la mort, de la fraîcheur et beaucoup d'imagination.


Le grand poète était un homme à femmes. L'amour pour Jeanne Voilier aura raison de ses dernières forces. La passion pour cette guerrière le consumera. Jeanne était une femme libre, une battante. Sa liaison avec Valéry est plus intellectuelle que physique, leur différence d'âge ni est pas pour rien. Elle a pris une revanche sur ses origines, elle s'est battue pour être une femme libre, elle veut entretenir cette liberté. Collectionneuse, amoureuse, frondeuse, charmeuse, elle a toutes les qualités et les défauts qui vont avec. Valery s'y brûlera les ailes et le coeur.
Après Clara Malraux, Dominique Bona dresse à nouveau le portrait d'une femme d'exception.

Fil rouge de ses lectures, la guerre. Celle du marché noir, de la collaboration, de la déportation, des morts au champ d'honneur, de l'élite qui choisit son camp, de l'exil des intellectuels et du système D.

2 commentaires:

  1. et bin une chouette liste...tu as bien lu ce mois-ci!

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  2. c'est grâce à vous que j'ai emprunté le Hervé Le Corre à la médiathèque, j'en suis au milieu du livre, je suis séduite oh oui ! par l'histoire, l'écriture magnifique. Quelle puissance ! Merci, je ne l'aurais jamais emprunté sans cette critique...

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