mardi 2 septembre 2014

lectures de juillet août

 J'ai mis un mois à lire Confiteor. Un mois de juillet entre chaleur (très peu) et pluie (beaucoup) alors que je travaillais encore. J'ai trimbalé ce pavé partout avec moi, l'ai ouvert même pour 5 minutes de trajet en tram. Malgré une lecture très entrecoupée, je n'ai pas baissé la garde, conservant toute mon attention sur ce récit incroyable qui passe d'une époque à  l'autre, d'un personnage à un autre, d'une histoire à une autre et parfois les trois dans la même phrase. Un roman à tiroirs comme des boîtes de Pandor, qui renvoie au plus abject de l'inquisition, du nazisme, du franquisme, au plus beau de l'amour de l'art. Le héros vieillissant, Adria Ardevol, une sorte de peter pan super intelligent qui engrange le savoir comme autant de verres d'eau quand il fait soif,  confie sa mémoire vacillante au lecteur qui le suit lors son enfance esseulée entre un père qui veut faire de lui un monstre d'intelligence et une mère déçue, auprès de l'amour de sa vie qui lui échappe comme du sable entre les doigts, de son ami d'enfance qui l'envie autant qu'il l'aime et le déteste tout autant. Confiteor est un roman magistral qui se déguste et se digère lentement. Très documenté, très noir et très beau, très très dense, je l'ai découvert par hasard, en faisant confiance à un libraire sans m'inquiéter du contenu. J'ai bien fait, mais quel voyage !!

 

Ames sensibles, s'abstenir. Nous voici dans un Paris puant et ensanglanté, théâtre d'une sauvagerie sans nom, lors de la nuit de la Saint Barthélémy. On est quasi dans la règle d'or du théatre classique, unité de temps, d'action et de lieu. Les héros, un couple de nobles séparés par les évènements, elle prête à accoucher, lui ivre de sauvagerie pour la sauver. Aucun détail des tueries n'est épargné au lecteur mais il y a suffisamment de magie, d'amour et d'âmes nobles pour avoir envie de suivre les aventures de Mattias et Carla. Il y a de l'Alexandre Dumas dans les combats, du Patrice Chéreau dans la mise en scène mais aussi du Victor Hugo dans la peinture des personnages. C'est une saga rouge sang, 36 heures sombres de l'Histoire de France en 900 pages érudites, c'est palpitant !

 

Un heureux concours de circonstance est à l'origine des quatre lectures suivantes. C'est en visitant Malagar en juin, le domaine de la Famille Mauriac, que j'ai repensé à Françoise Sagan. François Mauriac l'avait surnommée "ce charmant petit monstre" lors de la parution de Bonjour Tristesse.




Sagan à toute allure, trouvé en poche dans une braderie de Saint Jean du Gard tombait à pic, cette bio me permettant, entre autre, de reconsidérer l'écrivain dans le contexte de l'écriture de son premier roman. Tout comme dans sa bio de Saint Laurent, Dominique Lelièvre s'accapare avec un style bien à elle ce personnage mythique du paysage littéraire français d'après-guerre. J'ai eu beaucoup de plaisir à redécouvrir la vie de cette femme espiègle et fragile. Quant au roman -que j'ai du lire pour la première fois lorsque j'avais l'âge de son héroïne- il n'a pas pris une ride et remis dans son contexte historique (début des années 50) on comprend qu'il fut un pavé dans la mare de la littérature contemporaine.

Mauriac, toujours lui, avait une petite fille pas comme les autres. Anne Wiazemsky était sans doute sa préférée. Intelligente, discrète mais obstinée, elle raconte dans "une année studieuse" (poche trouvé le même jour à st jean du gard) sa rencontre et son mariage avec Jean-Luc Godard. Nous sommes dans les années 60, Anne est élevée par sa mère, veuve, sous la tutelle du grand-père à la célébrité hors du commun. Il ne faut pas faire de vague dans cette bourgeoisie gaulliste et feutrée, et pourtant Anne provoquera un tsunami, celui de l'amour libre, un an avant mai 68.



 Le livre d'Anne Wiazemsky est dédiée à Florence Malraux, amie d'enfance de Françoise Sagan, évoquée à plusieurs reprises dans le livre de Dominique Lelièvre. Elle y parle notamment de son enfance pendant la guerre, affrontant mille dangers auprès de sa mère Clara Malraux, engagée dans la résistance alors qu'elle est séparée de son époux, André Malraux.
 Dans la bouquinerie de Montalivet, je suis tombée sur la bio de Clara. Alors j'ai remonté le temps avec elle. Son enfance bourgeoise, ses origines juives allemandes qu'elle découvrira être une tare en cette période d'entre deux guerres, son amour fou pour André Malraux qui la nourrit et la déchire, leurs voyages au bout du monde, son périple pendant la guerre alors qu'André la quitte et qu'elle doit se cacher avec sa fille Florence, son courage puisqu'elle rejoint l'armée des ombres, sa grande intelligence et sa culture plurielle, son talent pour la vie et l'aventure, son renoncement pour l'homme qu'elle ne cessera d'aimer, sa longue vie d'amoureuse solitaire puisqu'il ne sera jamais remplacé dans son coeur. Une femme attachante et insupportable, grande féministe et largement en avance sur son temps. Un beau portrait.




Et voilà comment j'ai passé (presque !) un été sans les hommes, et quels grands hommes !

L'homme de Mia, scientifique de renom, la rend folle. Au sens propre. Il veut s'offrir une pause avec une femme beaucoup plus jeune, elle passera quelques jours en HP puis ira se "reconstruire" en province, loin de New York. Elle croisera le destin de nombreuses femmes, toutes générations confondues, toutes différentes mais toutes pareilles, et qui lui permettront de reprendre pied. Elle écrira aussi et relira les grands auteurs de poèmes qui  l'accompagnent depuis toujours.
C'est un peu du David Lodge au féminin, en plus mélancolique, mais l'on y retrouve l'humour, le milieu universitaire et les envolées scientifiques dans lesquelles je me suis parfois un peu perdue. Mia est femme multiple, amoureuse blessée, poétesse, mère et enfant, soeur, amie, prof.  On la suit naturellement vers le pardon accordé à l'homme de sa vie puisqu'ils se sont "mélangés" au bout de tant d'années de vie commune.





3 commentaires:

  1. et bin je vais rester avec tes deux paves du debut...cela semble trop trop bien...;)

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  2. Confiteor est ma liste depuis un moment... mais pas encore trouvé le courage d'attaquer un si gros pavé ! Là je viens de finir la trilogie des Neshov de Anne B. Ragde (très bien, pas du tout ce que je pensais mais très bien !). Pour "Un été sans les hommes", j'ai bien aimé mais je trouve qu'il y a des longueurs et que c'est très "roman d’une femme pour les femmes", non ?

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  3. j'avais adoré le Siri Husvedt !

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