l'eau de là

Bordeaux tourne le dos à son fleuve mais tend les bras à l'océan. Quand on est né dans cette région, on est incapable de se souvenir de son premier rendez-vous avec lui. Parce qu'on nous y a emmené quand on était bébé, le bruit du ressac a d'abord bercé nos siestes d'été. On le fréquente en toute saison, on le connait déchaîné ou mer d'huile, on l'avale en se faisant blackbouler par une vague plus grosse, on le craint, on ne le quitte pas des yeux, on l'espère, on sait qu'il est là, quelque part derrière la dune, on ramène son sable précieux jusqu'en ville, piégé au fond des sacs et des maillots de bain.
Je n'ai jamais passé un été sans m'y poser quelques heures ou quelques semaines. C'est impensable. En vacances depuis vendredi, j'ai bien traversé quelques fleuves et approché un étang mais depuis un bon mois je n'ai pas retrouvé la plage. Elle me manque, c'est dingue. Car même si je suis hypnotisée par n'importe quelle étendue d'eau, l'immensité salée et bruyante est incontestablement celle qui m'emporte. Alors j'y vais cet après-midi, je dinerai là bas et retour, ça me permettra d'attendre le 15 aout où j'y poserai mes valises pour deux longues semaines.
Un jour, quand je serai grande, j'aurai une grande maison face à l'océan, je pourrai le regarder depuis mes fenêtres et même la nuit ou l'hiver quand les volets seront fermés, je l'entendrai.